Conférence de Michel Angot, Membre du Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du sud Enseignant à l'EHESS

Avec le mahatma Gandhi, Jawâharlâl Nehru (1889-1964) a incarné l'Inde du XXe siècle. Certes, on retient le dirigeant qui, pendant dix-sept ans, incarna un nouveau pays et même le Tiers-Monde. Car, en tant que dirigeant de "la première démocratie du monde", c'est lui qui donna une consistance à un État nouvellement créé dont l'idée, comme la réalité, était nouvelle et mal assurée. Tout en se réclamant publiquement de Gandhi, il connaissait trop bien le monde pour adopter le conservatisme réactionnaire de celui qu'il considérait comme son maître. Sans reniement, il écarta les rêves ruraux et autarciques de la "Grande âme" pour faire de l'Inde une puissance industrielle. Auparavant, avant l'indépendance, l'actualité se focalisait sur Gandhi qui savait trouver et dire les mots qu'on répèterait, et faire se lever les foules. Nehru était un des seconds de Gandhi et, par là, il fut un des principaux artisans de la naissance de la conscience indienne, puis de l'accession de l'Inde à l'indépendance. Fermement attaché à la démocratie, il condamna aussi bien l'agression japonaise sur la Chine que le régime hitlérien. Personne complexe et nuancée, son action lui valut l'emprisonnement par les Britanniques, mais aussi son exclusion de la Ligue contre l'impérialisme parce qu'il avait accepté une trêve avec ces mêmes Britanniques. Dans les méandres de son action, on entend la voix d'un nationaliste, anti-impérialiste, indifférent sur le plan religieux, d'éducation occidentale, ouvert sur le monde et, pourtant, patriote. Nehru : un homme dont la complexité reflète celle du pays qu'il incarna, un homme qui, décidément, a donné une place à l'Inde dans le monde contemporain.