iap_vig_5.jpgDans cette forme de jugalbandi popularisée par Ravi Shankar et Ali Akbar Khan, au puissant sarod répond la grâce aérienne du sitar: cette alliance des pôles conduit à un dialogue équilibré, les musiciens utilisant des techniques de production sonore comparables. Dans le jugalbandi le déroulement du raga est identique à celui d’un solo ou Shujaat Khansitar au sitar et Tejendra Majumdar au sarod excellent. Ils seront au Théâtre de la Ville le 16 décembre pour un concert qui promet d'être exceptionnel…

Sarod et sitar : une forme de duo idéal

Les musiciens développent à tour de rôle l’alap-jor-jhala, où la qualité émotive du raga est dévoilée. Pour les compositions qui suivent, la façon de les aborder étant différente selon les écoles, les solistes doivent s’accorder sur l’interprétation précise qu’ils vont suivre. Ils s’élancent alors dans les variations rythmiques et mélodiques, soutenus par le motif répété du tabla (teka). Ces chassés-croisés en forme de dialogue culminent alors avec le leitmotiv joué de concert dans une exultation partagée.

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Shujaat Khan
Fils de Vilayat Khan1, Shujaat Khan étudie avec son père dès l’âge de trois ans. Septième génération d’une lignée ininterrompue de sitaristes, il représente la Imdadkhani Gharana fondée par son grand-père Imdad Khan. Cette école stylistique reste au plus près de la fluidité de l’art vocal (Gayaki Ang).
Mais comment le fils du plus grand sitariste du XXe siècle pouvait-il se distinguer d’un père légendaire ?

À seize ans, Shujaat ressent l’appel du large. Quatre années durant il parcourt l’Europe et les USA. Il devient cuisinier, laveur de voitures… Il joue de la guitare avec des musiciens occidentaux et donne d’occasionnels récitals de sitar. Il regagne enfin Delhi avec assez de maturité pour reprendre son apprentissage avec un père aimant mais sévère, qui veut laisser un héritier digne de lui. Indépendant, Shujaat se fait apprécier des studios de Bollywood. Il démarre aussi une carrière difficile de soliste, vu sa (fausse) réputation d’"enfant gâté". En 2004, la Grammy Award reçue pour son disque Rain l’élève aussitôt au rang de grand musicien, ce qu’il a toujours été car la musique coule dans ses veines. Son corps gargantuesque, mais comme aérien, frémit d’aise lorsque, l’air de rien, on le voit tirer et relâcher voluptueusement la corde extérieure. Puis ses doigts de fée filent sur les cordes. Son léger sitar se met à osciller pour conclure un taan époustouflant. Cet artiste ancré dans un lyrisme constamment onirique, semble bercé dans un bonheur proche de l’extase, ne faisant qu’un avec son art et son public. "Offre ton coeur et ton âme à la musique et laisse le reste au destin", lui dit un jour son père. Shujaat le poète a su suivre ce sage conseil.

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Tejendra Majumdar
Né au Bengale, Tejendra Majumdar est initié très jeune par son père et son grand-père. Il suit parallèlement des cours de chant et de science rythmique ( layakari). À l’âge de dix ans il devient (pour dix-huit années) le disciple du maître du sarod, Bahadur Khan, neveu d’Allauddin Khan. À la mort de celui-ci, il se perfectionne encore avec "l’empereur du sarod», Ali Akbar Khan. Son répertoire s’enrichit des styles dhrupad (chant ancien), tantrakari (genre purement instrumental) et gayaki (à l’imitation du chant khyal) : le dhrupad se ressent dans l’ alap initial, le tantrakari dans les possibilités purement techniques du sarod, et le gayaki dans l’interprétation des compositions, qui sont à l’origine chantées.

Tejendra nous conduit vers des paysages qu’il évoque et rend visibles avec une exquise douceur, en touchant par effleurements à la quintessence et au charme particulier du raga. Cette finesse aérienne n’est pas évidente sur un instrument aussi puissant que le sarod. Entre ses mains, les notes les plus ténues ont du relief et une couleur chantante. Cette délicatesse n’exclut pas les grands moments de virtuosité et d’improvisation ambitieuse qui jalonnent les compositions ghatet drut. Ces notes d’une profonde résonance savent aussi s’effacer pour se poursuivre en confidences. Les phrasés rapides (taans) sont renforcés par des oscillations autour d’une note (gamak) et les nourrissent en leur donnant une densité incomparable. Tejendra s’est fait le spécialiste de ces taangamak qui peuvent parcourir les deux octaves, et est devenu le digne continuateur de l’immense tradition de Maihar, celle initiée par Allauddin Khan 2.

Musiciens
Shujaat Khansitar sitar
Tejendra Majumdar sarod
Subhankar Banerjee tabla
Christian Ledoux tampura

Date et heure
samedi 16 décembre 2006 à 17h

Tarif
Normal : 17€
Réduit : 12€

Lieu
Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
75004 Paris
Métro Chatelet
Plan d'accès
Tél. 01 42 74 22 77

Lien utile
Site du Théâte de la Ville

1 Vilayat Khan (1928-2004). "Il est l’un de ces génies qui, dans le monde entier se comptent sur les doigts d’une seule main!" (Andrés Segovia)
2 Allauddin Khan (1870-1972), rénovateur de la musique instrumentale
hindoustanie et père d’Ali Akbar Khan.