Rubrique actualité de l'IndeEn Inde, ces deux derniers mois, un film a fait beaucoup parler; de lui : il s’agit de Rang de Basanti, littéralement "peint-le en jaune safran" (une des trois couleurs du drapeau indien, représentant l’hindouisme). Ce film, dont le sous titre explique le cœur du sujet ("a generation awakens"), a déjà touché des millions de jeunes (et de moins jeunes) indiens. Il dépeint une génération de jeunes urbains désabusés par leur pays, la politique et la corruption, qui retrouvent un sens nouveau de l’engagement au travers d’une jeune anglaise venue pour tourner un documentaire sur la vie de son grand-père en Inde dans les années 30...

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La jeunesse indienne est en soi un phénomène notable en Inde. En effet, actuellement, plus de 30% de la population indienne a entre 15 et 29 ans, et trente autres pour-cent ont moins de 15 ans. Quoi de plus normal alors que de chercher à la comprendre, ou pour les plus mercantiles, à la séduire ?

Cette jeunesse fait donc beaucoup parler d’elle depuis quelques années, et pas forcément en bien. Beaucoup de journalistes et d’éditorialistes indiens prennent souvent pour cible cette jeune génération, qui n’a quasiment pas connu l’avant libéralisation (1991), et qui semble avoir perdu le sens des "valeurs indiennes". Encore un pays ou la querelle entre génération perpétue son corollaire de critiques acerbes. Pourtant, à y regarder de plus près, et surtout avec notre vision d’occidentaux, des traditions perdurent et font que cette jeunesse semble loin d’avoir perdu son « indianité » comme le décrivent certains. Le récent sondage d’India Today (février 2006) étonne notre regard porté à des milliers de kilomètres de distance.

India Today 20 février 2006S’ils sont généralement idéalistes par rapport à la politique (74% pensent que leur vote peut faire un différence), les politiciens leurs sont en retour insupportables puisque 68% reconnaissent que le plus grand fléau actuel en politique est la corruption de leurs élus. 61% dénoncent également le phénomène dynastique en politique. Dépolitisés, non, mais désabusés, il y a des chances, ce qui n’est pas sans rappeler une situation qui nous est familière…

On pourrait les penser plus tolérants que leurs aînés, mais on les découvre plutôt conservateurs sur certains sujets bien particuliers. En effet, 80% sont pour la peine de mort, et plus surprenants, 84% sont pour des méthodes de régulation des naissances coercitives. Un paradoxe dans un pays ou la seule femme Premier Ministre a fait stériliser de force des millions d’hommes, et qui fait que ce sujet est encore tabou en Inde.

Concernant leur vie privée, là encore, ce sondage étonne nos esprits occidentaux. 70% des interviewés déclarent vouloir rester avec leur "joint family" (ou famille élargie aux grands parents voire oncle et tantes), et 80% souhaitent rester vivre en Inde pour travailler (de quoi étonner plusieurs observateurs occidentaux qui parlent de fuite des cerveaux). Leur choix de carrière se porte d’ailleurs plutôt vers l’Administration, puisque 47% la plébiscitent comme étant le meilleur choix. Mais on les trouve très à l’aise face à l’argent, puisqu’ils déclarent que c’est ce qui les diffère le plus de leurs parents (32%). Parallèlement, la religion reste un facteur social important puisque 44% visitent un lieu de culte au moins une fois par semaine et 70 % ne changeraient pas de religion pour épouser la personne qu’ils/elles aiment.

Pour ce qui est de leurs amours justement, sachez que 70% n’envisagent pas une seule seconde de vivre avec quelqu’un avant le mariage, que 79% refusent de faire l’amour avant le mariage, et que le mariage arrangé a toujours la préférence à 73%. De quoi rassurer des parents angoissés !

sachin_tendulkar.jpgGénération très confiante en elle, ses héros favoris sont Sachin Tendulkar (le Zidane du criquet) et Amitabh Bachchan (le Alain Delon Bollywoodien). Très ancrés dans la modernité, 55% d’entre eux possèdent même un portable.

Cependant, on voit en partie sur les deux questions suivantes que parfois ces jeunes ont du mal à ne pas prendre leurs aspirations pour des réalités, vu le quotidien du pays : 86% estiment que les hommes et les femmes ont les même opportunités dans la vie, et 71% pensent qu’un divorce vaut mieux qu’un mauvais mariage. Quand on voit le statut de la femme en Inde, qui demeure assez précaire, ainsi que la façon dont sont jugés les divorcés par la société, il y a de quoi rester septique. Et ce sont là toutes les limites des sondages d’opinion qui ne jugent que des valeurs exprimées, et pas des comportements réels.

Bien entendu, ne sont reproduits ici que certains résultas globaux de l’enquête, et la distinction ville/campagne s’accentue sur tous ces sujets (dans un pays où, rappelons le, 70% de la population est encore rurale). Mais elle permet de dresser un panorama de ce que pense et souhaite la jeunesse de « l’Inde qui brille » (cf. "India shining", le slogan de la campagne du BJP en 2004) à l’aube de son entrée sur le marché du travail. A ne pas prendre pour argent comptant, mais à méditer tout de même…

Nathalie Bernoud-Belhoste
Doctorante Paris V Sorbonne
Animatrice du site Indian Tonic


Liens Utiles
Pour en savoir plus sur la jeunesse indienne (format PDF)1
India Today du 20 Février 2006

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